LYDIE CALLOUD’S VISIONS
Lydie Calloud basic harmonies transcribe the joy at being alive that we find in the banality of the everyday. She creates fragments and extracts of movements, faces, postures, shapes and light. She paints, sculpts and photographs the essence of life.
Her studio is sometimes too small for the kinds of sculptures she thinks about making. The fragility and sometimes precarious coherence of the stuck-together parts of the sculptures speaks of the fragility of life and the fugacity of the attitudes she captures.
In her paintings and photos, greys often sweep through the fiords of pure colors. The immensity is occasionally reinforced by sticking a figure in the foreground, a “rampart” against the high heavens where silence reigns. It’s at the moment when there are no longer any subjects that the subject appears.
Perhaps it can thus serve to place human beings (even they are not presents in the opus) at the threshold of a complex ensemble that overwhelms them, at the heart of the infinite. The infinity of the monochrome, the infinity of those shades of gray forming a network of lines that assures the passage of the real to the construction of a painting, a sculpture or a photo.
What Lydie Calloud celebrates is the “temple space” of painting, the sensory space formed by the difficult to accomplish accord between form, substances, senses and the means used to achieve it. The “unnamable” (Beckett) becomes the object or the reason of the art. Lydie Calloud may say, like Beckett, “What has to be avoided, God knows why, is the spirit of systems. People with things, people without things, things without people, it doesn’t matter. I’m sure I’ll be able to get rid of all that very soon. I don’t know how. The easiest thing would be to not get started, but I have to start. That means I have to go on. I might end up in a mess. Incessant comings and goings – what a three-ring circus. I am calm, go on.” (From the “Unnamable.”)
Jean-Paul Gavard-Perret
Ragazine, http://ragazine.cc/2016/01/on-locationfrance-4/, 1er janvier 2016
Les surfaces troublées de Lydie Calloud
Lydie Calloud perce à jour le piège des contours. Elle crée la débandade des horizons afin de montrer les confins où s'amorce la fragilité.
Promesse de l'écorce rompue, soulèvement des surfaces, redéfinition des objets et des apparences: tout est là. La densité est celle de l'air. Se rejoignent le lointain et le proche.
Photographies, sculptures, dessins, installations transforment les données du réel et de sa perception. On se retrouve à proprement parlé le cul entre deux chaises.
Mais cela est "pire" que ce que l'on croit.
Car les chaises de l'artiste elles-mêmes basculent, s'échappent, s'envolent. Comment tenir debout en leurs suspens et leurs glissements de niveaux? Elles regardent le ciel et non l'anus du monde en étant non seulement transformées mais transposées en dessus du sol pour un étrange manège.
L'artiste est précise quant à son objectif:
"Quand je rencontre une image, je veux lui redonner son volume car je la ressens comme emprisonnée. Quand je rencontre un volume, je le photographie pour l'emprisonner. Je le photographie sous tous ses angles en tenant compte des ombres portées qui, pour moi, libèrent les formes de leurs limites. J'obtiens ainsi des familles d'objets, des générations et des lignées de formes".
En 2D comme en 3D, il n'existe plus de "plans" stables. Les formes se rétractent ou deviennent extensibles.
On ne peut plus parler d'image mais, comme l'écrit encore Lydie Calloud, "de son avant et de son après". De son avancée et de son recul.
Les oeuvres saisissent par le revers ce que nous oublions de contempler avec nos regards aux paupières de porcelaine.
Surgit une moisson de plantes impalpables que nos paumes ne pourront jamais ramasser. Cela peut s'appeler Eden et enclos. L'artiste y noue des entrelacs, crée des enchâssements qui font enfler l'ombre.
L'audace est là. La lumière devient étreinte ou chevet en prenant appui sur l'instant le plus fugitif.
Chaque pan d'ombre vit ses dernières heures. Les formes créent un trouble perceptif par leur poésie particulière.
Restent des séries de suspens, des suites d'échos visuels capables de fomenter l'étrange fascination précaire à travers ce que le "quotidien" possède de plus humble.
La photo, comme la sculpture et les installations, glisse en bordure du réel dont l'artiste retire les éléments parasites.
Se lient l'infime et l'immense, loin de tout effet spectaculaire même si tout est scénarisé jusqu'au leurre du leurre -de l'image télévisuelle par exemple.
De la sorte la créatrice "durcit" à sa manière certaines valeurs de la contemplation des choses et des images. Elle en allège d'autres. Le tout en une harmonie qui ouvre à ce que Roger Munier nomme "l'extase nue".
Jean-Paul Gavard-Perret
Maître de conférences en communication à l'Université de Savoie, critique d'art contemporain
Le Huffington post, 15 septembre 2012
LYDIE CALLOUD : CLÔTURES ET LIBERTÉS
Lydie Calloud, « Installations photographies », Galerie Jacques Levy, 62 rue Charlot, Paris, du 14 septembre au 13 octobre 2012
Lydie Calloud ne cesse de décadrer les images, les espaces, les objets dans divers types de soulèvement de surface. L’artiste est explicite : « Quand je rencontre une image, je veux lui redonner son volume car je la ressens comme emprisonnée. Quand je rencontre un volume, je le photographie pour l’emprisonner. Je le photographie sous tous ses angles en tenant compte des ombres portées qui, pour moi, libèrent les formes de leurs limites. J’obtiens ainsi des familles d’objets, des générations et des lignées de formes ».
Dans le face à face entre l’artiste et l’espace, les formes sont libérées de leur surface imposée et en conséquence l’image retrouve un élan de lumière. Lydie Calloud brise l’obscur, perce le piège des contours. Elle crée la débandade des horizons afin de montrer des confins où s’amorce la fragilité de tout. Dans le « fond » de l’image, au sein de ses effacements le regardeur perd ses repères. Il n’existe plus d’assise. Les chaises elles-mêmes basculent, s’échappent, s’envolent. Comment tenir debout en leurs suspens et leurs glissements de niveaux ? En 2 D comme en 3 D il n’existe plus de “ plans ” stables. L’ombre joue à l’élastique. Il faut suivre d’autres sillages que ceux de sa portance. Si bien que les formes et les volumes ne répondent plus à ce que l’on entend " classiquement " par présentation. Les photographies saisissent par le revers ce qu’on oublie de contempler. Elle noue des entrelacs, crée des enchâssements qui font enfler la lumière. Jouant de divers types d’hybridation l’artiste propose des suspensions figurales. Tout se tord, s’efface en divers types de clivages et d’éclipse.
Lydie Calloud exile le regard, l’éloigne de ses habitudes. Mais cette déroute programmée est porteuse d’alliance. L’œuvre est un défi entre la photographie et la réalité, entre l’objet réel et sa « reprise ». Se déplie un nouvel un espace. Il propose de manière implicite une méditation et une exaltation et unit un mouvement de dilatation à celui de la concentration. Cette approche développe un poème plastique. Il ouvre sur des cimes inconnues en échappant au pur esprit, au pur logos. L’art devient est un déferlement qui tord la réalité dans une volonté de « picturaliser » le réel afin de le réanimer. Nous entrons dans des cantons de l’extrême et des forêts de signes puissants. Ils emportent vers la vie jusque dans sa légèreté.
D’un cadre admis Lydie Calloud fait passer à un autre en élargissement. Celui-ci ne ferme plus. Au contraire : il ouvre la clôture et libère ce que l’artiste nomme la « vision enfermée ». L’image sort de ses limites. Elle est en quelque sorte détournée par effet de marges et de trouées. Le réel n’est pas effacé mais sa re-présentation perturbe notre perception visuelle à coup de « phosphènes ». Surgit par décalage une zone imprévisible où les formes pleines s’évident (et vice-versa), où le réel bascule sur lui-même par des alignements, des mises en scène et des profondeurs inédits.
Jean-Paul Gavard-Perret
www.e-litterature.net, 12 septembre 2012
LYDIE CALLOUD : TOUT CE QUI BOUGE
… « A sa manière Lydie Calloud répond à la question majeure : à quoi servent la photographie et la sculpture ? Elles servent, ici, à inverser le temps ou, au moins, à le retenir à travers l’ensemble des rayons lumineux réfléchis »…
… « Ce qui arrive. Ce qui est arrivé.
La femme plante son appareil devant l’image télévisuelle, l’image qui vient de derrière à travers ses pixels. Face à face afin que la photographe retrouve la fraîcheur de l’image.
Paradiso, paradiso soudain : un élan de lumière. En franchissant ce seuil se brise l’obscur. »…
… « Lydie Calloud en perce, jour après jour, le piège des contours. Elle crée la débandade des horizons afin de montrer les confins où s’amorce la fragilité.
Promesse de l’écorce rompue, odeur de tête. Une densité se retrouve.
Si proche, si loin. Si loin, derrière le regard.
Une rupture s’annonce sous l’écharde des élancements de lumière »…
… « L’image est aussi silence. En 2 D comme en 3 D il n’y a plus de “ plans ” stables. Perdre ainsi les repères même de l’ombre qui devient extensible.
Elle et les formes forment deux fleuves adjacents jusqu’à leur jonction.
Suivre leurs sillages comme on peut, au moment où parler d’ “ image ” ne convient plus.
Il s’agit de son recul et de son avancée
ou, comme l’écrit Lydie Calloud : “ de son avant et de son après ” »…
Textes écrits par Jean Paul Gavard Perret, suite à sa visite de l'exposition "Echappatoire", août 2007